De plus en plus d'investisseurs sortent Nutrien de leurs portefeuilles pour ses importations de phosphate du Sahara Occidental occupé. Mais la société ne montre aucune indication quant à son intention déclarée d'éliminer les importations controversées d'ici la fin de cette année.
En ce moment même, 160 000 tonnes de minerai de phosphate provenant du Sahara Occidental occupé se dirigent vers les usines de l'entreprise canadienne Nutrien en Amérique du Nord, à bord de trois grands navires vraquiers. L'important commerce a lieu alors qu'un certain nombre d'investisseurs dégagent l'entreprise de leurs portefeuilles pour avoir violé leurs directives éthiques en matière d'investissements.
Au début de l'année, Nutrien est née de la fusion de deux des plus importants importateurs canadiens de phosphates sahraouis : Agrium Inc et PotashCorp Inc. Depuis 2013, les deux sociétés ont reçu pratiquement la moitié de tout le minerai de phosphatée exportée par le Maroc depuis la partie du Sahara Occidental qu'elle maintient sous occupation. Les deux sociétés ont toutes deux fait l'objet d'exclusions d'investisseurs internationaux au cours des dernières années, précisément à cause de ces importations.
Western Sahara Resource Watch (WSRW) a publié en janvier, au moment de la fusion, qu'elle s'attendait à ce que tous ceux qui avaient mis sur liste noire l'une ou l'autre des deux anciennes sociétés appliquent automatiquement cette décision à la société fusionnée. C'est ce qui se passe en ce moment.
Le plus grand fonds souverain du monde, le fonds de pension du gouvernement norvégien, a, sans émettre de communiqué de presse, remplacé le nom de «Potash Corp» par «Nutrien» sur sa liste d'exclusions. Le fonds publie normalement des communiqués de presse lorsqu'il exclut une société de ses portefeuilles, mais il a récemment discrètement exclu Nutrien. Avec, le gouvernement norvégien a vendu 190 millions de dollars d'actions Agrium.
Le fonds de pension du gouvernement norvégien n'est pas le seul investisseur qui a automatiquement mis Nutrien sur liste noire en remplaçant simplement l'une ou l'autre des anciennes sociétés par la nouvelle société.
- La principale banque norvégienne, DNB, a remplacé Agrium et PotashCorp par Nutrien sur sa liste d'exclusion.
- La société suédoise Nordea a remplacé PotashCorp par Nutrien sur sa liste noire.
- Wespath, la caisse de retraite de l'Église Méthodiste américaine, a également remplacé les deux anciennes sociétés par Nutrien.
- Les fonds de pension suédois AP1, AP2, AP3, AP4 et AP
- La banque danoise Nykredit a également exclu Nutrien pour "violation des droits de l'homme dans les territoires occupés".
- L'investisseur suédois KPA.
- La compagnie d'assurance norvégienne Storebrand.
- L'investisseur norvégien KLP.
Nutrien est également indiqué comme « contacté » en raison de son implication sur « terres occupées » par l'investisseur suédois Swedbank Robur.
Les importations massives continuent sans relâche
En janvier 2018, le PDG de Nutrien, Chuck Magro, a déclaré que "l'organisation ex Agrium a déjà reçu l'ordre d'arrêter le contrat à la fin de cette année". Une décision sur la façon de procéder avec l'héritage de PotashCorp quant à cette importation serait prise "vers le milieu de l'année", mais "il est juste de dire que l'objectif à long terme n'est pas de garder à l'avenir la question du Sahara Occidental dans la nouvelle entreprise".
Cette intention ne correspond pas particulièrement au fait que Nutrien va recevoir trois grosses cargaisons de minerai de phosphate du Sahara Occidental occupé au cours des trois prochaines semaines.
Deux vraquiers, avec une cargaison combinée de plus de 100 000 tonnes dans leurs cales, se dirigent vers Vancouver, où Agrium - et donc Nutrien - reçoit les cargaisons. L'Ultra Agility, sous pavillon panaméen, devrait arriver le 5 juin avec une cargaison estimée à 59 000 tonnes de roches litigieuses. Le navire est exploité par la société danoise Ultrabulk, l'opérateur le plus impliqué dans le transport du phosphate du Sahara Occidental vers les acheteurs dans le monde entier. Le Desert Osprey, enregistré aux îles Marshall, arrivera 10 jours plus tard avec une autre cargaison d'environ 54 000 tonnes. Le navire est géré par Atlantic Bulk Carriers Management Ltd, mais appartient à Lazio Shipping and Investment Ltd.
De plus, le Mackenzie doit décharger 60 000 tonnes du minerai de la guerre au port de Baton Rouge, aux États-Unis, dans trois jours - le port où se trouve l'ex PotashCorp de Nurien.
En ajoutant ces trois cargaisons à la liste d'importation de Nutrien cette année, on obtient un total de cinq importations - trois à Vancouver et deux à Baton Rouge - pour environ 294 000 tonnes.
Western Sahara Resource Watch (WSRW) a envoyé aujourd'hui un nouveau courrier à Nutrien Ltd, notre précédent du 21 février 2018 n'ayant pas reçu de réponse. Ce courrier contenait des questions concernant l'annonce par la société de son arrêt des importations de phosphate du Sahara Occidental. "La société est sur la même voie que l'an dernier, et rien n'indique qu'elle ait l'intention de mettre fin, ou même de réduire, ses importations en provenance du Sahara Occidental", écrit WSRW à la société dans son dernier courrier.
Agrium et PotashCorp ont été respectivement les deux plus grands importateurs de roches phosphatées sahraouies en 2017, tel que détaillé dans le rapport annuel de WSRW sur le commerce de phosphate du Sahara Occidental. Lisez Ici l'édition 2017 de P pour Pillage.
Jusqu'à la fusion des deux sociétés, les investisseurs avaient plus exclu PotashCorp qu'Agrium. PotashCorp est apparu plus fréquemment sur ces listes, en raison de sa longue implication. L'inclusion de Nutrien dans les listes noires de ces investisseurs signifie donc que ceux qui n'avaient auparavant mis que PotashCorp en liste noire doivent désormais vendre les actions qu'ils détenaient dans Agrium. L'investissement du fonds souverain du gouvernement norvégien était par exemple de 190,6 millions USD dans Agrium au 31 décembre 2017, une semaine seulement avant la fusion d'Agrium avec PotashCorp. Ces actions, qui représentent environ 1% des actions de la société, sont maintenant vendues. Le gouvernement norvégien était l'un des plus gros actionnaires d'Agrium avant la fusion.